Vous avez probablement déjà entendu parler des biais cognitifs en psychologie, ces distorsions mentales qui influencent nos perceptions, nos jugements et nos décisions. Pour nous aider à traiter l’énorme quantité d’informations que nous recevons chaque jour, notre cerveau prend des raccourcis. Cette tendance, bien qu’efficace pour gagner du temps, n'est pas toujours fiable ! Ces biais concernent principalement des processus de haut niveau, comme la pensée, le raisonnement, la mémoire et la prise de décisions. Ils sont souvent influencés par nos croyances, nos attentes, ou encore par des processus automatiques. Ces biais peuvent déformer notre perception de la réalité de la situation et ainsi influencer nos choix.

Le psychologue et prix Nobel Daniel Kahneman l’a expliqué dans son ouvrage Thinking, Fast and Slow (2011). Il décrit deux systèmes de pensée : le Système 1, rapide, instinctif et automatique, et le Système 2, plus lent et réfléchi. La majorité des biais cognitifs proviennent du Système 1, celui qui fonctionne de manière intuitive et sans effort. Ce système est parfait pour prendre des décisions rapidement, mais il peut aussi nous induire en erreur, parfois de manière surprenante. 

Mais saviez-vous qu’il existe un autre type de biais, souvent moins connu mais tout aussi fascinant ? Aujourd’hui, nous allons nous intéresser aux biais sensori-moteurs. Contrairement aux biais cognitifs, qui influencent nos processus mentaux dits de “haut niveau”, les biais sensori-moteurs sont liés à des processus de “bas niveau” : à l’interface entre nos systèmes sensoriels (ce que nous percevons) et moteurs (ce que nous faisons). Ces biais émergent des limites biologiques ou des adaptations de notre système nerveux, souvent sans que nous en ayons conscience. Mais leur influence est bien réelle.

Alors, comment ces biais sensori-moteurs influencent-ils notre apprentissage et nos interactions avec les outils numériques, notamment en formation ? C’est ce que nous allons découvrir ensemble !

Qu’est-ce que les biais sensori-moteurs ?

Les biais sensori-moteurs sont des distorsions qui surviennent lorsque les perceptions sensorielles (comme ce que nous voyons, entendons, ressentons) d’une personne et ses mouvements corporels interagissent. Les biais sensori-moteurs sont des effets directs de nos sens et de nos actions physiques. Ces pensées se produisent souvent à notre insu, car elles émergent des limites biologiques de notre système nerveux.

Prenons quelques exemples classiques pour illustrer ces biais sensori-moteurs :

• L'illusion de Müller-Lyer : Deux lignes de même longueur apparaissent différentes aux yeux de chaque individu, en fonction de la direction des flèches à leurs extrémités. Si la flèche pointe vers l'extérieur, l'impression est que la ligne semble plus longue que si elle pointe vers l'intérieur. Ce biais nous montre comment une simple modification de la perception des éléments visuels peut affecter notre jugement de situation.

• L'illusion de la pièce de monnaie : Une pièce de monnaie qui roule semble plus grande lorsqu'elle s'éloigne de nous. C’est une illusion qui se produit : ce biais est lié à notre perception de la taille d’un objet en fonction de sa distance, influençant ainsi nos choix sur sa perception visuelle en mouvement.

Un autre exemple en formation numérique : imaginez une plateforme où un bouton d'appel à l'action est présenté avec un design qui attire trop l’attention par ses couleurs vives ou son animation excessive. L’apprenant, influencé par ces éléments visuels percutants, peut être tenté de cliquer dessus, même si ce n'est pas la tâche principale à accomplir. Cette interaction illustre comment l'impact des biais sensori-moteurs peut détourner l'attention de l'apprenant de l'objectif pédagogique et influencer ses choix.

Les biais sensori-moteurs sont ainsi directement liés à la manière dont nous interagissons avec notre environnement physique et numérique. Dans une formation, ces biais peuvent avoir un impact majeur sur l'expérience d’apprentissage, car les éléments visuels, sonores ou même le simple fait de déplacer une souris ou de cliquer sur un bouton peuvent détourner l’attention des apprenants de ce qui est essentiel.

Les biais sensori-moteurs en formation

Les biais sensori-moteurs jouent un rôle clé dans l'apprentissage numérique. Dans le cadre de la formation e-learning, les concepteurs pédagogiques doivent être particulièrement attentifs à la façon dont les éléments visuels, auditifs et interactifs sont disposés sur la page web, l’application ou plus généralement, sur l’écran. Si un design est trop chargé ou un élément visuel trop distrayant, cela peut détourner l’attention des apprenants et influencer leur capacité à se concentrer sur le contenu. Une interface mal pensée, trop bruyante ou trop complexe peut créer une surcharge cognitive et nuire à la rétention des informations.

Et plutôt que de se concentrer sur les informations importantes, les individus peuvent être distraits par des éléments sensoriels qui ne servent pas à l’apprentissage. Imaginez que vous soyez sur une plateforme de formation où les boutons sont trop gros et de couleurs très vives, ou encore où la fluidité de l’interaction (le défilement, les clics, etc.) est perturbée. Cela pourrait détourner votre attention de ce que vous êtes censé apprendre, réduisant ainsi l’efficacité de la formation.

En outre, ces biais sensori-moteurs peuvent avoir un impact sur la rétention des informations. Une interface mal conçue peut induire de mauvaises décisions et des incompréhensions. L'apprenant peut oublier ce qu'il a lu simplement à cause d'une interaction désagréable avec la plateforme. L’ergonomie et la fluidité de l’expérience utilisateur sont donc essentielles pour garantir que l'apprenant puisse se concentrer pleinement sur l’apprentissage, sans être gêné par des éléments sensoriels superflus. La première étape d’optimisation consiste à comprendre comment ces biais affectent les interactions pour adapter les outils utilisés à cette réalité. 

Comment limiter l’impact des biais sensori-moteurs ?

Alors, comment éviter que ces biais ne nuisent à l’apprentissage ? Voici quelques astuces pratiques :

1. Optimiser l’interface utilisateur (UI) : Un design simple et intuitif est essentiel pour éviter de surcharger l’apprenant. Utilisez des couleurs contrastées mais douces, des polices lisibles, et réduisez les distractions visuelles. Un design épuré permettra à l’apprenant de se concentrer sur le plus important.
2. Simplifier la navigation : La navigation doit être fluide et cohérente. Moins il y a d’étapes à franchir, mieux c’est. Un parcours logique et une interface claire limiteront la confusion et la frustration.
3. Tester avec des utilisateurs réels : Avant de finaliser une plateforme de formation, faites-la tester par de vrais utilisateurs. Demandez-leur des retours sur l’expérience sensorielle et les interactions physiques afin d’obtenir un rapport détaillé vous permettant de repérer les éventuels points de friction et d'ajuster la conception en conséquence.
4. Adapter l'information aux préférences sensorielles : Offrir plusieurs formats d'apprentissage (texte, vidéo, différents types de quiz lors des tests) au groupe permet à chaque apprenant de choisir ce qui lui correspond le mieux et d’adapter son expérience d’apprentissage à sa personnalité et ses préférences.

Que faut-il retenir ?

Les biais sensori-moteurs ont un impact majeur sur l’expérience d’apprentissage. En comprenant comment ils influencent les apprenants, vous pouvez optimiser vos parcours pédagogiques pour réduire les distractions et améliorer la rétention d'informations. Il est essentiel de créer un environnement d’apprentissage numérique qui prenne en compte ces biais en simplifiant l'interface et en optimisant l’ergonomie. 

Les biais sensori-moteurs ne sont pas à prendre à la légère, mais une fois que vous comprenez leur impact, vous pouvez transformer votre approche de la formation digitale. En veillant à l’ergonomie, à la fluidité de l’expérience et à l’adaptation des contenus, vous créez une expérience plus agréable et plus efficace pour vos apprenants.