Interview d’Anne Cambier, CEO de Q7 leader
Interview réalisée par Williem Rodier, cofondateur de flowbow
Du haut de son expérience professionnelle en termes de gestion des équipes et de développement du capital humain, Anne Cambier nous dévoile sa vision de la gestion des talents en 2021.
Q7 Leader est une entreprise européenne qui a créé une méthodologie unique appuyée par une suite de logiciels, d’applications, qui transforme la gestion des talents en entreprise. Elle repose sur deux intelligences : l’intelligence collective des managers et l’intelligence artificielle de ses algorithmes.
Flowbow est aujourd’hui le premier partenaire français de “Q7 leader”.
Anne, peux-tu nous présenter Q7 en quelques mots ?
AC : Q7 pour moi est une méthodologie qui permet réellement aux managers de mettre en application le mot Talent. Aujourd’hui il y a une vraie ambiguïté sur ce mot. Or le talent, on l’a tous. Q7 propose donc une méthodologie pour une vraie activation du t
alent qui permet le développement de l’individu, de l’organisation, et au-delà, de notre société : un WIN/WIN/WIN. La gestion des talents est au service des managers et du business, pas des RH !
Est-ce que tu peux maintenant te présenter rapidement pour nos lecteurs ?
Je pense être un drôle d’animal. J’ai énormément de facettes différentes. Je pense être avant tout quelqu’un ayant un bon sens business, les deux pieds sur terre et qui pense que grâce à l’humain et toute son « humanité » on peut faire des merveilles.
Cela fait 5 ans que je travaille dans le domaine du développement des compétences, d’abord à mon compte, puis en tant que CEO de Q7 leader. Je suis convaincue que c’est sur ça que repose l’économie de demain. Auparavant, j’ai fait une longue carrière (16 ans) dans le corporate chez Orange. Et avant encore, quelques années dans le secteur industriel en tant que consultante. Le fil conducteur de toute ma carrière a toujours été la gestion des équipes et le développement du capital humain. Voir un collaborateur progresser et se développer est pour moi la plus grande fierté….et le moyen de progresser moi-même puisque le relai est assuré.
Quels moments dédiés à la gestion des talents vois-tu se maintenir coûte que coûte dans les entreprises ? Quel est ton point de vue sur ceux-là ?
Spontanément, je te répondrais le “day to day”, c’est-à-dire le maintien des relations avec ses collaborateurs au quotidien. Pour moi c’est ça justement la gestion des talents, c’est le contact tous les jours. Non seulement cette pratique se maintient en entreprise, mais je pense qu’elle doit se renforcer.
Ce que je vais dire est un peu paradoxal, mais ce que l’on est en train de traverser est une chance en quelque sorte, car si aujourd’hui, dans ce contexte, on n’arrive pas à maintenir et à renforcer ce day-to-day, on perd complètement le lien.
Aujourd’hui, on se rend compte que toutes nos croyances, tous nos systèmes de rituels de gestion des talents (cycles annuels…),n’ont plus de sens dans un monde qui doit être très agile. Le 15 mars (date du confinement) par exemple, plus aucun objectif ne tenait la route.
Auparavant, on pouvait encore travailler sur des cycles longs (1 an, 2ans, 3ans), aujourd’hui ce n’est plus possible. C’est la réalité de l’agilité.
Selon moi, il faudrait avoir une vision et l’adapter avec des tout petits pas au fur et à mesure avec une agilité pour pouvoir rebondir à tout moment.
Est ce que tu penses que ce contexte là accélère la “date de péremption” de ce fonctionnement en grand cycle justement ?
Oui, tout à fait ! Je pense qu’en 2020, on quitte le 20ème siècle. On est réellement en train de basculer vers le 21ème siècle et les dynamiques d’entreprise du 21ème siècle avec l’entreprenariat, la rapidité, la mise en avant du client etc.
As-tu un exemple d’entreprise qui a connu ce changement vers un mode plus agile ?
Je peux te donner l’exemple d’une grande entreprise avec différents sites, et un site en particulier de 300 personnes qui n’allait pas bien à cause d’une mise en place d’objectifs par les managers pour “faire plaisir”, sans réel impact. Pour régler ce problème, ils ont adopté notre méthodologie Q7 sur la pointe des pieds.
Ils ont d’abord discuté avec leurs managers pour savoir qui était d’accord, et pour ensuite pouvoir choisir les managers “porteurs” de cette méthodologie, les ambassadeurs.
Ils ont ensuite expliqué aux managers ce qu’ils faisaient et pourquoi ils le faisaient pour leur donner du sens.
Surtout, il a fallu partir des objectifs business des managers en se demandant : “De quoi mon manager a besoin pour atteindre cet objectif ?”.
Comment faire en sorte qu’ils soient engagés ? Est-qu’il ne faudrait pas impliquer le patron, la direction ?
J’hésite car j’ai du mal avec les entreprises qui pensent que ça doit nécessairement venir du haut. Je pense que c’est trop facile de raisonner comme ça et les managers et RH ont tendance à se cacher derrière cette excuse. Les mouvements qui se créent au sein de l’organisation et qui remontent ensuite vers le haut, ont un impact tellement différent du point de vue du changement !
Toujours dans ce fonctionnement de gestion des talents, et avec la crise sanitaire qu’on traverse, quels sont les risques ?
Je pense que le risque de tout ça, et c’est toute la complexité de l’agilité, c’est qu’à force de dire qu’il faut absolument être agile, on gère le chaos. Il faut donc avoir la capacité de toujours se raccrocher à une vision. Il ne faut pas que les gens perdent le sens, oublient pourquoi ils font ça.
Les RH parlent souvent d’engagement, mais c’est quoi l’engagement ? C’est contribuer à quelque chose, c’est le sens de ce que je fais. Pour résumer, le risque est de gérer le chaos quotidien sans lever la tête.
En quoi cela influe-t-il sur la gestion des Hommes en entreprise ?
C’est la catastrophe. Je trouve qu’on tombe dans une inertie abominable. Par exemple, le maintien des entretiens annuels sans aucun sens, sans aucune modification, simplement car il “faut” le faire, les gens se demandent pourquoi ils sont là. Quand on perd le sens et qu’on fait les choses simplement car on les a toujours faites comme ça, il y a vraiment je pense, l’effet tout à fait contraire de l’engagement.
Quels sont tes conseils pour éviter cela ?
Pour moi, il fallait très vite après le confinement mettre en place des dialogues au sein de l’entreprise, comprendre pourquoi les objectifs n’ont plus de sens, se remettre en question… Et surtout oser dire “je ne sais pas”. Le problème de la plupart des managers est qu’ils sont eux-même dans l’inconnu, ils n’osent pas. Les managers ont souvent l’impression qu’ils doivent être dans le contrôle. Et dire “je ne sais pas comment ça va se passer mais on va quand même avoir une discussion pour essayer d’avancer”, très peu osent le faire. Or ici, le dialogue, l’authenticité sont la clé.
En tant que RH, qu’est ce que je peux conseiller aux managers ?
Être à l’écoute, être dans le lâcher prise, avouer ne pas avoir une réponse à tout, être authentique, faire preuve de bon sens. Et proposer aux managers de réanalyser ensemble tous les retours et trouver des solutions pour répondre à cela.
Mais en interrogeant les collaborateurs aussi régulièrement, est ce que ce n’est pas “ouvrir la boîte de pandore » à toutes les idées des collaborateurs (départ, évolution…) ?
Si les collaborateurs veulent s’en aller, ils s’en iront de toute manière. S’ils veulent bouger ou qu’ils ont besoin de se développer et que vous ne savez pas y répondre, vous ne ferez qu’accélérer ce mouvement. Mais il y aura aussi beaucoup de gens qui vont être reconnaissants d’avoir pu exprimer leurs opinions. Arrêtons de prendre les gens pour des idiots, ils réfléchissent, discutent, voient ce qu’il se passe ailleurs…
Je ne connais pas une entreprise, qui a un vrai dialogue, très fréquent et qui promeut la mobilité avec des ambassadeurs à l’extérieur de la société, qui s’en mord les doigts. Le business ne s’arrête pas aux frontières de la société, un collaborateur qui quitte l’entreprise sera un promoteur potentiel.
Je parle souvent de la “théorie des couvercles” : en tant que manager j’ai peur que mes collaborateurs s’en aillent donc je mets un couvercle sur chacun d’eux, et surtout je ne parle de rien. Mais avez-vous déjà vu une cocotte minute qui n’explose pas ?
Cela nécessite donc un travail sur les managers. Il faut réussir à changer leur “mindset”, leur état d’esprit. Encore une fois, il faut être capable de choisir 2 ou 3 ambassadeurs qui vont “montrer l’exemple” en quelque sorte et guider les autres managers.
Un mot pour la fin ?
Je dirais “always look at the bright side of life”. On a l’art en entreprise de tout faire pour les 3% déficitaires. Il faudrait regarder déjà tout ce qui se passe bien et le mettre en évidence. Une chose que je fais tous les matins est de ne prendre aucun rendez-vous avant 9h15 et de 9h à 9h15 je discute avec chacun pour identifier les talents, savoir ce qui va, ce qui ne va pas, trouver des solutions… Mais très peu de managers le font et c’est pourtant une des clés de l’engagement.