Une formation au management efficace grâce au "learning-by-doing" ?

Interview de Lobna Calleja Ben-Hassine, DRH de Schoolab, acteur parisien incontournable du conseil en innovation.

Lobna, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle  Lobna Calleja Ben Hassine. Je suis la DRH de  Schoolab. Je suis une généraliste de la fonction RH depuis une vingtaine d'années. J’ai eu l’occasion d’exercer dans différents secteurs d’activités tels que la tech, le retail, la restauration ou encore l’innovation et ce, dans des filiales de grands groupes ou en start up.  

Depuis 5 ans, j’ai développé une appétence pour l’innovation au sens large et pour l’innovation RH en particulier.

Pouvez-vous nous présenter Schoolab et son activité ?

Schoolab est une entreprise atypique. Nous sommes un incubateur de start up et un espace de coworking mais l’essentiel de notre activité est le conseil en innovation.

De fait, nous avons à cœur  d’innover dans tout ce que nous faisons, y compris sur la politique RH et l’expérience collaborateur.

Nous avons des bureaux à Paris, à San Francisco et à Hô Chi Minh Ville (Viet Nam)

Schoolab est, depuis toujours, une entreprise engagée  sur les sujets de RSE, et c’est tout naturellement que nous sommes devenus une “ Entreprise à mission “.

Notre mode de fonctionnement est assez hybride à bien des égards. Par exemple, sur le papier,  notre organisation est “pyramidale” (fondateurs, directeurs associés, managers et opérationnels) mais dans les faits, l’organisation est très “flat” et les process de décisions, très bottom up.  

Nous sommes aujourd’hui une soixantaine et travaillons avec une communauté importante de freelances sur la partie conseil.

Si, pour des raisons légales, nous ne pouvons considérer ces freelances comme des salariés,  nous animons cette communauté et les intégrons au maximum à la vie de l’entreprise (petits déjeuners, réunions mensuelles, séminaires, formations, conférences …). (NDLR:  Découvrez le projet "Peer to peer" crée par un des collaborateurs Schoolab)

Parfait, à présent pouvez-vous nous expliquer le contexte dans lequel est né votre projet et vos objectifs ?

En 2019, Schoolab a connu une très forte croissance. Nos effectifs ont triplé en quelques mois, et beaucoup de profils séniors ont été recrutés.

Nous voulions absolument conserver et faire vivre notre culture et nos valeurs indépendamment de cette croissance.

La liberté, la responsabilisation et l’autonomie sont 3 de nos valeurs repères.  Cela implique qu’il n’y a pas vraiment d’horaires de travail ni de lieu de travail fixe (bien avant le covid).  Beaucoup de projets d’entreprises sont gérés de façon transverse et collaborative en fonction des envies de chacun.

Une fois que l’on a dit cela, on comprend combien la question du management est cruciale.

A Schoolab, les managers ne “managent pas, ils coachent”  ! La culture managériale n’était pas claire, les managers ne voulaient pas manager et les managés se sentaient livrés à eux-même et souhaitaient avoir plus de feedback et d’accompagnement.

Nous avons donc décidé de mettre en place un grand projet de transformation managériale. L’idée était de développer une culture managériale et un langage commun pour mieux accompagner et faire grandir les équipes.



Très bien, intéressons-nous de plus près à votre projet en lui-même, comment avez-vous adressé ces différents sujets ?

L’objectif était de mettre en place une formation professionnelle adaptée à notre culture et nos besoins, le tout,  en mode “learning by doing”.

On a longtemps envoyé nos managers au vert pendant 3 jours en espérant qu’ils reviendraient transformés en “super-managers “. Or, si cela crée du lien entre eux, les apprentissages ne sont que rarement mis en pratique dans dans les faits.

Je tenais à éviter cet écueil. C’est pourquoi, nous avons opté pour une formation/accompagnement sur 6 mois avec des apports théoriques, bien sûr, mais surtout des cas pratiques issus du quotidien de nos managers avec des vraies situations de travail.

Il était aussi important de leur offrir un espace de liberté pour s’exprimer librement sur leurs pratiques managériales, leurs forces et leurs doutes.

Comment avez-vous mis en place ce projet au sein de Schoolab ?


Nous avons donc choisi de mettre en place une formation avec 4 piliers principaux :

  • Une formation en présentiel sur 6 mois, à raison d’une demi-journée toutes les 3 à 4 semaines, avec un chatbot proposant du contenu (vidéos, lecture etc…) et des exercices entre chaque session
  • Des ateliers de CODEV. Ce sont des “groupes de parole” pendant lesquels l’un des participant partage une problématique. Un animateur pilote les échanges avec l’ensemble du groupe pour co construire un plan d’actions ou proposer des solutions / alternatives.
  • Du coaching  : chaque manager avait la possibilité de se faire coacher sur les sujets de développement personnel, de softskills ou sur des problématiques qu’il ne voulait pas partager .
  • Des LEX “learning expeditions”.  L’idée était de découvrir des entreprises inspirantes dans leurs cultures managériales ou leurs expériences collaborateurs au sens large. Malheureusement, nous n'avons pu en faire qu’une en février 2020 avant d’être confinés.  

Comment avez-vous défini le rôle de manager chez Schoolab ?

Nous avions envisagé la mise en place d’un workshop en interne et avons finalement confié cette délicate mission à notre prestataire qui l’a fait avec talent.

Les 2 groupes ont travaillé sur le rôle et les attendus du manager/coach avant la mise en commun.

Ce travail a conforté ma conviction sur le rôle du manager qui est universel :  “Garantir la performance en faisant grandir les équipes".

Ce qui diffère, c’est “le comment “,  qui, lui, découle de la culture et des valeurs de l’entreprise, des outils/méthodes utilisés.

Quels ont été vos succès et vos difficultées sur cette formation ?

Tout d’abord, la formation ayant été co-construite avec les managers, grâce aux inputs des équipes, répondait vraiment à nos besoins. Les managers ont aussi été impliqués dans le choix du prestataire et ont challengé le contenu.

Le mix entre temps collectifs, temps individuels, théorie et pratique a facilité l’ancrage des apprentissages et l’engagement des participants.

Ces temps de formation ont aussi permis à nos managers de comparer leurs pratiques et de se sentir moins seuls face aux situations inconfortables comme les feedbacks constructifs.

Les 3 cofondateurs de l’entreprise ont eux aussi suivi  la formation en accéléré.

Cependant, nous avons rencontré certaines difficultés, Les groupes étaient lourds (27 personnes sur 2 groupes) et les agendas très chargés malgré l’anticipation. Il était par conséquent compliqué d’avoir tous les managers en même temps, malgré leur grande motivation.

Avec le recul, qu’est ce que vous améliorerez ?

Premièrement, je mettrai en place une évaluation 360° de chaque manager avant la formation et après. En recueillant les feedbacks de leurs managés, de leurs managers et de leurs homologues.  Cela permettrait de mieux évaluer les progrès. .

Ensuite, je proposerai d’intégrer des OKR liés aux primes sur objectif en gros, incentiver les managers.

Pour finir, je réaliserais plus de marketing RH pour que les opérationnels puissent mieux suivre le projet et nous challenger nous, en tant que manager, “Faire et faire savoir “

Quels conseils donneriez-vous à une personne souhaitant s’inspirer de votre expérience ?

Le premier conseil a déjà été évoqué, la formation sur 3 jours au vert n’est pas adaptée ! Les compétences acquises doivent être appliquées au sein de l’entreprise. Pour que la formation soit bénéfique pour le collaborateur et l’entreprise, elle se doit d’être adaptée aux situations professionnelles du quotidien.

Le second conseil concerne les guides managériaux, ils sont souvent très bien construits mais ne sont lus que par les RH. nous devons accompagner les managers dans leur appropriation des méthodes, concept, postures ..

Pour finir, la culture managériale est selon moi une “never-ending story”. La culture managériale se travaille au quotidien et dans la durée…

Quels sont les résultats de ce projet ?

Nous sommes très “Google Form” à  Schoolab ! Nous avons effectivement recueilli du feedback mais n’avons pas mis en place de metrics.

Le principal retour de nos managers est qu’ils ont réellement gagné en confort grâce à une définition claire des attendus.

Les moments d’échanges leur ont permis de se sentir moins seuls sur les problématiques touchy.

Plus que les méthodes ou techniques, les managers se sont sentis plus à l’aise avec l’aspect plus “directif” du management, nécessaire dans certaines situations ou pour certains collaborateurs, plus juniors par exemple.



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